La Grande Paix de Montréal 1701




La Grande Paix de Montréal fut signée le 4 août 1701, mettant fin à un conflit entre les Français et les nations amérindiennes qui durait depuis un siècle. Ce traité de paix a sauvé la colonie d’une défaite inévitable qui aurait marqué la fin d’une certaine présence européenne dans la vallée du Saint-Laurent.
Il faut admettre que la Grande Paix de Montréal fut une victoire diplomatique. Malgré la faiblesse numérique et financière des colons, Frontenac et Callières (ou Callière) ont mis sur pied une politique qui sut conjuguer les campagnes militaires et d’habiles négociations pour amener l’adversaire à désirer la paix.
Certains pensent que c’est le monopole du commerce avec les Européens qui serait à l’origine des guerres sanglantes entre les nations amérindiennes. Cependant, la rivalité commerciale entre les Anglais et le Français n’a fait qu’exacerber un long conflit «interne» qui remontait beaucoup plus loin. Les tensions entre les Hurons et les Iroquois étaient une réalité depuis des dizaines d’années, voire des siècles, bien que ces deux peuples soient issus d’une même famille.
On croit aujourd’hui que l’origine des rivalités entre les Amérindiens se situe au début du second millénaire de notre ère, ou un ou deux siècles plus tard, c’est-à-dire bien avant la venue de Cartier ou de Champlain.
Il n’en reste pas moins que les Européens se sont empressés d’exploiter cette situation pour renforcer leurs dominations respectives. Ainsi, en s’alliant avec les Hurons, les Français utilisaient ces derniers pour lutter contre les Iroquois, et par conséquent contre leurs alliés Anglais. La colonie payera un lourd tribut à cette longue guerre, car les Iroquois ne pouvaient pardonner aux Français la violation de leurs territoires et cette alliance avec leurs ennemis.
Durant un siècle, le conflit s’est poursuivi avec des hauts et des bas. Parfois, les Iroquois échangèrent le calumet de la paix avec les Français, mais ces traités ne menaient qu’à une paix fragile et temporaire. 
Enfin la diplomatie, avec ses multiples subtilités, circonlocutions et autres grandes promesses plus ou moins sincères, a sauvé la colonie de la destruction. 
Ces démarches sont initiées par Louis de Frontenac. Après son décès, Louis-Hector de Callière, gouverneur de Montréal depuis 1684, poursuit les efforts de Frontenac.

Le 4 août 1701, quelque 1300 délégués de 38 nations venus d’aussi loin que la région des Grands Lacs, revêtus de leurs costumes cérémonieux et s’exprimant en une grande diversité d’idiomes, forment une assemblée qui allie l’étiquette indienne et celle de Versailles. Cette grandiose conférence diplomatique se conclut par le traité de la Grande Paix de Montréal.


http://www.grandquebec.com/histoire/grand-paix-de-montreal/


Copie du traité de paix de 1701.

(Le document original du traité de paix de 1701 semble avoir disparu.)

Pictogrammes des nations signataires :
1. Ouentsiouan représente la nation iroquoise des Onontagués et signe un échassier. 2. Pour les Tsonnontouan, c'est Tourengouenon qui appose la signature de la tortue. 3. Pour les Onneeiouts, la signature représente une fourche au milieu de laquelle se trouve une pierre.
4. Chez les Goyogouins (« peuple de la grande pipe », le dessin d'une pipe va de soi! 5. La marque de Kondiaronk, dit le Rat (un rat musqué), figure sur le traité de 1701. Un autre chef huron a pu apposer cette marque au nom de ce grand chef, mort deux jours avant la signature du traité.
6. L'ours, la signature du chef Kinongé, dit le Brochet, pour les Outaouais du Sable. 7. La marque des Abénaquis de l'Acadie, par le chef Mescouadoué. 8. L'ours, la marque des Outaouais Sinagos.
9. Pour les Gens du Sault, l'ours également, signature apposée par Haronhiateka.
10. La signature du chef des Gens de la Montagne est un chevreuil.
11. Le chef Kileouiskingié signe d'un poisson pour les Outaouais Kiskarons.
12. La fourche représente le lieu où vivent les Outaouais de la Fourche, à la confluence de trois rivières.
13. Représentés par Onanguicé, chef pouteouatami, les Mississagués (nation ojibwée) signent d'un oiseau-tonnerre.
14. Les Amikoués apposent la marque du castor.
15. Pour les Sauteux (Ojibwés), le chef Ouabangué appose la marque d'une grue.
16. Chez les Algonquins, on trouve deux signatures : un échassier ou une grue et, à côté, un être humain.
17. Une perche surmontée d'un scalp sert de signature pour le village des Pangichéas (Piankashaws).
18. La marque de Chichicatalo, chef très respecté chez les Miamis, regroupe deux symboles, dont une grue.
19. La marque du chef Outilirine pourrait représenter les Cris. En langue Crie, le suffixe -irin signie « homme ».
20. Représentés par Onanguicé, les Koueras Koueatenons (groupe illinois) signent d'un arc et d'une flèche.
21. La marque du village des Peorias (nation illinoise) est une tortue à longue queue.
22. L'emblème des Tapouaroas (groupe illinois).
23. L'emblème des Monisgouenars (nation illinoise), établi à la rivière des Moines. 24. Le village des Marouas (groupe illinois), signe d'une grenouille.
25. Pour les Pouteouatamis, la marque d'un chicot et trois racines.
26. Pour les Kaskaskias (nation illinoise), une plume encochée.
27. La marque du village des Ouiatanons (nation miamie) est une carrière.
28. L'esturgeon est la marque des Sakis (Sauks).
29. Chez les Outagamis, ou Renards, la signature est celle du... renard.
30. L'oiseau-tonnerre représente le symbole clanique des Puants.
31. La marque des Malominis (Folles Avoines) est celle d'un oiseau-tonnerre tenant une tige de folle avoine.
32. Le chevalier de Callière, Brochart de Champigny, et autres.

Notes tirées de : Alain Beaulieu et Roland Viau, La Grande Paix, Chronique d'une saga diplomatique, Montréal, Éditions Libre Expression, 2001, pp. 109-111

Grande Paix de Montréal

Définition

"Montréal, 1701. Louis-Hector de Callière, gouverneur de la Nouvelle-France, et 39 chefs amérindiens signent un traité qui met fin à plus de cent ans de conflits. (...) Événement important dans l'histoire de la diplomatie internationale, ce traité de la Grande Paix mettait un terme aux «Guerres iroquoises» opposant les Iroquois, alliés aux Anglais, aux Hurons, alliés aux Français."
Source: site de Radio-Canada

"(...) La quarantaine de nations indiennes représentées à Montréal en 1701 proviennent principalement de la région des Grands Lacs, appelée les Pays d'en Haut par les habitants de la vallée du Saint-Laurent.

L'Histoire, qui se veut explication, ne saurait s'accommoder des frontières politiques. Pourtant, les uns tentent de faire l'histoire du Québec en s'arrêtant à la rivière des Outaouais, d'autres font celle du Canada en se limitant au nord des Grands Lacs et du 49e parallèle. Voilà deux démarches largement répandues et pourtant bien illusoires.

La Grande Paix de 1701 en est une éloquente démonstration. Plus de 1200 Indiens appartenant à une quarantaine de nations sont présents à Montréal cet été-là. Ils y sont pour la traite des fourrures et leurs ambassadeurs ont un mandat de paix. De paix générale.

On a dit et répété que celle-ci mettait fin à un siècle de guerres farouches, que les Iroquois avaient été les gros méchants et que les Anglais d'Albany avaient dû s'incliner devant l'habileté diplomatique des Français de Montréal.

On a laissé entendre que les guerres entre nations indiennes avaient cours bien avant l'arrivée des Européens et que, dès son arrivée en 1603, Champlain avait été entraîné par les Montagnais à porter la guerre chez leurs ennemis de longue date, les Iroquois. Grave erreur de sa part, a-t-on dit: les Iroquois prendront un siècle pour s'en venger.

En vérité, à l'arrivée de Champlain en 1603, le commerce entre Indiens et Européens était bien lancé et les rivalités commerciales largement répandues depuis une cinquantaine d'années, et sans doute davantage. Dès son premier voyage, en 1534, Jacques Cartier n'avait-il pas croisé des navires européens dans le golfe? (...)

Vers 1700, plusieurs éléments rendent possible une paix générale. La fourrure, le castor surtout, qui fait courir tout le monde, traverse une crise. Les Iroquois ont gardé pour l'essentiel leur indépendance par rapport aux Français, mais aussi par rapport aux Anglais; missionnaires, officiers, traiteurs, explorateurs français ont tissé des liens de toutes sortes et ont établi de solides amitiés avec plusieurs chefs indiens. Un gouverneur comme Frontenac s'est avéré un habile diplomate et tacticien et, surtout, les belligérants sont épuisés.

À l'été 1700, une paix générale se prépare. Les Anglais d'Albany s'agitent. En vain. Le grand chef onontagué, Teganissorens, longtemps ami des Anglais, a révisé ses positions. Maricourt, le jeune frère de Pierre Le Moyne d'Iberville, et le père Bruyas, missionnaire auprès des Iroquois, et combien d'autres, ont bien travaillé. Par leurs discours, ils ont rendu suspects les Anglais. Les chefs comprennent de mieux en mieux qu'ils ont intérêt à manoeuvrer contre la cupidité des deux puissances européennes pour assurer l'intégrité de leur territoire et l'indépendance de leur nation. Les Iroquois sont pour les Iroquois, ainsi raisonnent également l'ensemble des Indiens.

Enfin, une grande paix

Le 21 juillet 1701, une flottille de 200 canots iroquois apparaît devant Caughnawaga. Les voyageurs s'arrêtent chez les Iroquois du sault Saint-Louis, leurs frères.

Montréal est prêt à les recevoir. Le gouverneur Callière, successeur de Frontenac, les attend. Il a fait aménager une vaste enceinte pourvue de gradins. Les notables de la colonie et même les dames y auront des places réservées.

Le lendemain, 700 ou 800 Indiens alliés se présentent aux abords de Montréal. Ils prennent position et disposent leurs canots en ligne. Le canon retentit. Message de bienvenue. Les Indiens poussent des clameurs, déchargent leurs fusils et agitent à bout de bras leurs avirons.

Ils sont suivis des Iroquois: Onneyouts, Onontagués, Goyogouins et Tsonnontouans. Les Agniers arriveront plus tard.

Les Indiens s'installent le long des palissades: les Outaouais, Sauteux, Algonquins du nord des Grands Lacs et aussi les Miamis, Illinois, Renards, Mascoutens, Folles-Avoines qui viennent d'aussi loin que l'ouest du lac Michigan. Car la présence française a gagné cette région habitée par divers groupes illinois, dont les Peorias, les Monisgouenars, les Tapouarouas et les Koueras.

Certaines nations ont franchi jusqu'à 1500 kilomètres. Des rumeurs d'épidémie n'ont pas suffi à les arrêter. Certains sont touchés par une sorte de grippe, souvent fatale pour eux. Les malheurs qui s'abattent renforcent les convictions. Le 4 août, tous les ambassadeurs ratifient la paix et apposent leurs signatures sur un document qui a disparu, mais dont le contenu sera respecté. La Grande Paix de 1701 permettra à la France un demi-siècle de domination sur presque l'ensemble de l'Amérique du Nord."

Source: Denis Vaugeois, La Grande Paix: les origines et le sens, Le Devoir, 6 août 2001

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